De bourgeons en bourgeons, les arbres se
saluent sur le bord des routes en jouant avec l’éclat du soleil.
Le bruissement des feuilles, ce sera pour
plus tard.
Cette année encore, mars a pris son temps…
Quand j’étais petite, on trouvait des
cartes postales qui représentaient des arbres ; selon notre mois de
naissance, on pouvait se rêver chêne, tilleul ou marronnier …
Je ne sais pas très bien quel arbre je
deviens dans la forêt humaine.
J’ai souvent fui la foule.
Cette marée anonyme peut à la fois me paralyser
et attiser ma curiosité.
Derrière chaque passant qui ne me regarde
pas, se cache une histoire, une vie, une destinée que je souhaiterais
découvrir.
J’aurais aimé des confidences, des secrets
que j’aurais pu graver au creux des écorces tombées au sol pour confectionner des petits
navires lancés sur l’eau de la rivière.
Mais, je n’ai jamais osé aborder quiconque
en ville.
J’aurais aimé les photographier toutes ces
personnes marchant à la hâte sur les grands boulevards ou dans les allées des
parcs et accrocher leurs clichés sur les portails dorés des châteaux, en
hommage aux nourrices, aux infirmières et aux caissières.
J’aurais aimé inventer leurs vies dans des
écrits romantiques et paisibles.
J’aurais aimé leur offrir un peu de Paix.
Ici, la Paix semble encore accompagner les
respirations et si la crainte est là, elle est cachée derrière les murs de
pierre.
Les sourires sont larges, les salutations enjouées.
Pourtant, nous sommes tous semblables,
hantés ce printemps par l’épreuve commune.
Qui osera raconter sa trouille ?
La peur de n’être pas masqué quand on
travaille auprès des anciens ?
L’effroi de la solitude quand les
enfants sont loin ?
Celle du chômage pour les jeunes du
coin ?
Ou encore la réalité cachée des enfants
anxieux qui épuisent le peu de ressources emmagasiné ?
Qui osera se plaindre si son souffle est
vivant ?
Ici, personne ; la pudeur est au
rendez-vous.
Les arbres sur le bord des routes se
respectent en partageant la joie de la lumière.
L’ascension des fourmis sur les troncs, ce
sera pour plus tard.
Cette année encore, mars a pris son temps…
Je me rends compte que ce confinement ne
m’affecte pas totalement, ni dans mon corps, ni dans mon quotidien, ni même
dans mes pensées ; je n’en ai pas honte. Mon insouciance apparente est une
arme comme une autre…
Seule m’oppresse l’angoisse de mes
semblables ; celles et ceux que je ne sais pas faire rire ou consoler.
Je Prie.
J’apprécie être immobile, paisible pour
faire voltiger mon âme de branches en branches en puisant la vie dans les
racines du passé, des souvenirs, en fredonnant des louanges.
Je garde la Foi…
Ce que j’aurai aimé avoir davantage de
temps, celui qui ne se rachète pas, jamais, jamais, jamais ou peut-être
quelques fois si on y croit vraiment, du temps oui pour photographier, broder,
lire, rire, sourire et parler à tous ces inconnus croisés, mais je suis restée
prudente et j’ai préféré écrire ; je ne sais toujours pas bien pourquoi j'ai ce besoin impérieux en moi.
« Prenez donc garde de vous conduire
avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages. Rachetez le
temps car les jours sont mauvais. »
Ephésiens 5 .15-16
Ce que j’aurais aimé lancer plus souvent à
L’Éternel les cris stridents que je n’ai pas su pousser ces derniers jours, les
prières et supplications que j’ai oublié de murmurer certains soirs ; en
un instant, avant de m’endormir, toutes mes pensées retombent et sont happées
par le silence du temps qui coule, toujours, toujours…
Je m’endors comme un bébé.
Le matin, j’offre aux petits moineaux mes
sourires, aux corbeaux mes regards et aux rapaces mon impuissance. La nuit
dernière d’ailleurs, j’ai rêvé d’un grand aigle qui survolait ma maison et me
faisait un signe avec ses ailes majestueuses. Cela m’a fait un bien fou !
« Ceux qui se confient en l’Eternel,
renouvellent leur force. Ils prennent le vol comme les aigles. Ils courent et
ne se lassent point. Ils marchent et ne se fatiguent point. »
Esaïe 40 .31
Les arbres sur le bord des chemins se
trémoussent en jouant avec les giboulées.
Le piaillement des nids, ce sera pour plus
tard.
Cette année encore, mars a pris son temps…
Il parait que des personnes enlacent les
arbres pour se sentir vivants.
Moi j’ouvre la Bible…
Ces derniers temps, j’aurai aimé sentir la
mousse dans la forêt.
Je repousse ce désir et lui donne
rendez-vous dans quelques semaines.
Le temps est mon ami ; il ne me fait
plus peur.
Ce matin, en promenant Choupette , j’ai
perçu la délicate odeur des violettes qui bordaient le chemin.
Quel bonheur !
Quelle puissance dans cette senteur !
Tout y était : ma grand-mère, l’enfance et
les sous- bois, le chemin de Véry pendant les vacances de Pâques, la vie en
abondance, l’amour …
Malgré l’épreuve que traverse le Monde,
malgré les deuils passés et à venir, malgré l’angoisse qui rampe sur les
boutons de la zapette, dans mon cœur, cette année encore, mars a pris tout son
temps et est resté paisible et délicieux.
Merci Seigneur !
Annick SB 30 mars 2020
relire la bible : merci pour ces paroles de Jean, ces mots qui nous viennent à travers las âges et qui sont toujours pertinents bon confinement
RépondreSupprimerMerci beaucoup Thierry !
SupprimerJ'aime les arbres. Ils sont présents et silencieux...Mais j'aimerais bien savoir ce qu'ils pensent !
RépondreSupprimerMystère et boule de gomme ...
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